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Retour06 août 2019
Joseph Dufresne, l’homme aux multiples chapeaux
©(Photo L'Action - Collection Jean Chevrette)
Joseph Dufresne.
HISTOIRE. Joliette regorge de personnages qui ont façonné son histoire. Certains ont perduré dans sa mémoire, mais d’autres sont tombés dans l’oubli. L’auteur de ces lignes s’est penché sur l’un d’eux; Joseph Dufresne, un homme qui portera plusieurs chapeaux au cours de sa vie et aura laissé une trace indélébile sur la riche histoire de la ville.
Né Pierre-Joseph Dufresne le 2 mars 1872, il est le cadet et seul fils d’une famille de quatre enfants. Ses parents, Joseph Dufresne et Anastasie Hudon (dit Beaulieu), habitent une maison à Sainte-Élisabeth.
Il épousera le 28 janvier 1896 Albina Marion, à l’église Saint-Charles-Borromée, qui deviendra plus tard la cathédrale de Joliette. Cinq enfants naîtront de cette union : Viateur, Régina, Yvonne, Anna-Alma et Julienne-Alma. Les deux dernières décèderont toutefois à un très jeune âge.
Grand voyageur, il se rendra aux États-Unis à de nombreuses reprises. Dans un périple très documenté en France en 1927, il aura visité la France, la Suisse, l’Italie, la Belgique, la Tunisie et le Royaume-Uni. Mais c’est à Joliette qu’il vivra ses derniers jours. Habitant alors avec sa fille à Montréal en compagnie de son épouse, il rentre au bercail et, malade, il décèdera le 1er octobre 1946, à l’âge de 74 ans et 6 mois.
Un agriculteur primé
Dès son adolescence, celui que l’on surnommait « Jos » s’installa à la ferme de Daniel-Jérémie Décarie, ce même homme qui fut politicien pour le parti libéral du Québec en 1897 et dont l’autoroute Décarie a été nommée en son honneur.
À l’époque, le député du comté d’Hochelaga cultivait un melon spécial, appelé le « melon de Montréal ». Juteux et savoureux, il était la renommée de l’entreprise agricole. Lors de son passage, soit de 1887 à 1895, il fait exploser les ventes de ce produit.
Profitant de son expertise accumulée chez M. Décarie, Joseph Dufresne s’occupa de la ferme de son beau-père à Sainte-Élisabeth. Son savoir-faire est reconnu à l’échelle régionale, puisqu’en l’espace de trois ans (1906-08), il remporte pas moins de 22 prix, allant de l’élevage de taureaux aux légumes, en passant par le miel.
Au début des années 30, il devient président pour la région de Lanaudière de l’U.C.C. (Union des cultivateurs catholiques), en plus d’avoir ses propres terres à Saint-Charles-Borromée. En avance sur son temps, sa ferme est citée comme un modèle par sa mécanisation ainsi que ses études sur les rotations de cultures. Au milieu de cette décennie, il détenait un commerce d’engrais chimique. L’année suivante, il vend sa propriété à M. Henri Majeau.
Un entrepreneur né
Outre le fait de connaître du succès en agriculture, Joseph Dufresne était également un entrepreneur respecté. Il a fait ses premières armes au magasin général détenu par Camille Barette, situé à l’angle des rues Notre-Dame et Saint-Charles-Borromée (dorénavant le restaurant indien Le Bharati) entre 1900 et 1904. Par la suite, il ouvrira sa propre épicerie, coins Fabre et Saint-Charles-Borromée.
Le 22 janvier 1931, Jos Dufresne et fils voit le jour, une mercerie pour hommes qu’il fonde pour son fils Viateur, aux prises avec des problèmes de santé. L’entreprise s’implique notamment dans le sport, avec la présentation de deux coupes « Tip Top Taylor », remise à la meilleure formation de hockey de la région.
Mais sa plus grande réalisation demeure l’achat de la biscuiterie en 1907. Érigée aux coins des rues Baby et Saint-Charles-Borromée en 1876 par les Clercs St-Viateur, elle permettait aux religions de subvenir à leurs besoins ainsi qu’aux étudiants du Collège. Biscuits et pains y étaient conçus.
Malgré un violent incendie qui rase ses installations en février 1913, elle recommence ses activités dès le mois de juillet, produisant des biscuits tels que « Le Joliette », « Le Petit Prince » et « Le Vin ». Douze ans plus tard, il vend l’entreprise à Viau. Les journaux locaux titraient qu’il s’agissait « de la plus grande vente jamais réalisée à Joliette ».
L’entrepreneur aura fait fortune pendant les 18 années où il en sera le propriétaire. En effet, grâce à ses points de vente à Montréal, Québec, Sherbrooke, Ottawa, Toronto, Winnipeg et les Maritimes, en plus de vente en gros aux épiceries, il aura engendré plus de 11 M$, ce qui équivaut à plus de 159 M$ aujourd’hui. Le meilleur chiffre d’affaires sera atteint en 1920, où il accumule des ventes de 1,214 M$.
Vers 1933, Viau ferme la biscuiterie, laissant sans emploi plus d’une centaine de travailleurs. Pressé par la population joliettaine, Joseph Dufresne reprend les commandes en 1936 et annonce son ouverture officielle en mai de la même année. Il investit toutes ses économies afin de remplacer les équipements existants, qui dataient de sa première prise de possession.
Cette modernisation lui sera cependant fatale. Il met en vente 125 000 $ en obligation, mais ne trouvera pas preneur, notamment parce que la crise économique de 1929 se fait encore sentir. En juillet 1937, il fait faillite. En août, ses biens sont saisis.
Une vie politique bien remplie
Si vous croyez que l’histoire de Joseph Dufresne s’arrête ainsi, vous êtes dans l’erreur. Malgré tous les chapeaux qu’il a portés, la politique a aussi fait partie de ce personnage.
« Faire autant que possible avec l’aide de la Providence », voilà son leitmotiv. Il devient conseiller municipal en 1913 jusqu’en 1915, où il pilote les dossiers des finances, des chemins, de l’éclairage et de la police. Cependant, les citoyens demandent sa destitution par un bref « quo warranto », un recours exercé contre une personne qui occupe irrégulièrement une charge publique afin qu’elle en soit dépossédée. Ils mentionnaient qu’il était en conflit d’intérêts, ayant reçu des subventions de la Ville pour opérer sa biscuiterie après l’incendie.
Lors des élections provinciales de 1919, il devient député de Joliette pour le parti conservateur, devançant son plus proche poursuivant par 126 voix. Quatre ans plus tard, il sera réélu par une marge de 583 voix. Lucien Dugas le délogera en 1927 en remportant les élections par une écrasante majorité de 971 voix.
Son passage à l’Assemblée législative sera marqué par quelques réalisations. En effet, Joseph Dufresne a été le premier à réclamer la création d’un ministère de l’Industrie et du Commerce. Ce dernier sera mis sur pied en 1935.
Bien que le parti conservateur soit minoritaire lors de son passage, il détient un rôle important en Chambre, intervenant pas moins de 75 fois au cours de son premier mandat. Il critique notamment les nominations partisanes au sein du gouvernement en ce qui a trait à la Commission des liqueurs. Deux points le tracassent : la perte du commerce des liqueurs aux épiciers et la distribution ainsi que l’attribution des bureaux par le gouvernement.
En reconnaissance de ses états de service, l’Union Nationale le nomme surintendant des entrepôts de la Commission des liqueurs en 1937, conservant cette fonction jusqu’en 1944, année de son retour à Joliette. Il résidera dans un appartement de la rue St-Barthélemy avec sa femme jusqu’à sa mort, deux ans plus tard.
En bref
Sans surprise, il y aurait encore beaucoup de faits à écrire à propos du parcours de Joseph Dufresne. En voici quelques-uns qui méritent d’être soulignés.
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Il a habité de nombreuses années une maison située sur la rue Saint-Charles-Borromée Nord, occupée à présent par l’école de conduite St-Amour.
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Pendant qu’il opérait la biscuiterie, il a versé 100 000 $ en salaire pour l’ensemble de ses 175 employés, ce qui se traduit à 24 sous l’heure pour une semaine de 44 heures.
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La Société Saint-Vincent-de-Paul a bénéficié de sa générosité lors de sa campagne de 1918.
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Il a été actionnaire du journal L’Action populaire, de la Joliette Tobacco Compagny et de la Hull Match Compagny, une entreprise d’allumettes, en 1929.
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Camilien Houde, ancien maire de Montréal et député de Montréal–Sainte-Marie, a déjà été le directeur de son point de vente dans la métropole. C’est la secrétaire de Joseph Dufresne, Georgette Falardeau, qui le lui fait obtenir. Mme Falardeau deviendra la 2e femme de Camilien Houde.
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Des politiciens ont proposé sa candidature à titre de sénateur au fédéral pour la division québécoise de Repentigny, poste qui est finalement revenu à Joseph-Hormisdas Legris.
Avec la collaboration spéciale de Jean Chevrette.
©(Photo L'Action - Collection Jean Chevrette)
Une affiche politique de Joseph Dufresne. (Photo L'Action - Collection Jean Chevrette)
©(Photo L'Action - Collection Jean Chevrette)
Une boîte à biscuits de l'usine de Joseph Dufresne. (Photo L'Action - Collection Jean Chevrette)
Une idée de l'usine à biscuits. (Photo L'Action - Collection Jean Chevrette)
©(Photo L'Action - Collection Jean Chevrette)
Joseph Dufresne (à droite), lors de son voyage en France. (Photo L'Action - Collection Jean Chevrette)
Commentaires
9 septembre 2019
Claire Piché
Je pense qu’il payait de sa poche pour des routes dans son comté