Les villégiateurs du lac Crystal, situé dans la Zec Des Nymphes dans la MRC de Matawinie, se mobilisent pour la préservation de ce milieu naturel où des travaux forestiers ont été planifiés par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF). En entrevue avec L’Action, Martin Léveillé, qui possède un chalet dans le secteur depuis une vingtaine d’années, insiste sur le fait que le lac Crystal est un site d’exception et qu’il doit devenir une aire protégée.

En raison de son eau cristalline et limpide, Martin Léveillé compare le lac Crystal au lac Louise en Alberta ou au lac Émeraude en Colombie-Britannique.  D’ailleurs, le plan d’eau est accessible au public et serait reconnu par la communauté des plongeurs du Québec, grâce à sa clarté exceptionnelle. « Il faut vraiment le voir pour le croire! »

En tant que lac de tête, le lac Crystal alimente la rivière Mastigouche, mais il ne reçoit lui-même aucune eau en amont. Il dépend uniquement de son bassin versant qui est, selon Martin Léveillé, tout petit, soit 1,3 km². Il s’agit aussi d’un refuge pour la touladi et l’omble de fontaine.

L’association des villégiateurs du lac Crystal et la Zec Des Nymphes ont d’ailleurs interpellé les élus de la MRC de Matawinie et les instances locales au sujet des particularités uniques de l’écosystème du lac Crystal. « Le lac Crystal se démarque par sa pureté remarquable. Selon le réseau de surveillance volontaire des lacs, il existe très peu de plans d’eau aussi préservés dans la région de Matawinie (…) », peut-on lire.

Cet écosystème exceptionnel s’expliquerait, selon l’association, par le fait que la grande majorité des sols du lac est composée de roc relativement lisse plutôt que de matière granulaire, telle que le sable. « Ce roc est recouvert d’une très fine couche de sol organique, sur laquelle s’est enracinée une forêt centenaire, formant ainsi le filtre naturel du lac. »

Préserver un joyau

Martin Léveillé dénonce que le secteur du lac Crystal fasse partie de la planification du MRNF pour des travaux forestiers. Il insiste cependant sur le fait qu’il n’est pas contre les coupes forestières en soi et que les citoyens sont motivés à trouver des alternatives : « Ça en prend du bois et l’industrie forestière est un apport économique important! Mais selon les biologistes, le lac Crystal est très vulnérable et l’équilibre est tellement fragile, alors nous aimerions que les travaux forestiers soient réalisés ailleurs. »

L’association des villégiateurs du lac Crystal et la Zec Des Nymphes s’inquiètent des impacts des traces que laisserait la machinerie lourde sur le sol et qui favoriseraient l’écoulement rapide des eaux pluviales dans les pentes relativement abruptes du bassin versant, entraînant ainsi le transport de sédiments, de nutriments et de contaminants vers le lac. « Les dommages potentiels pourraient être irréversibles. »

Une demande a été déposée concernant le lac Crystal dans le cadre de l’appel de projets d’aires protégées en territoire public du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP). « Si le lac Crystal ne rencontre pas les critères du gouvernement, aucun autre ne le pourra! », déclare Martin Léveillé.

Rendre la grande beauté du lac Crystal publique, c’est aussi révéler son existence et prendre le risque d’attirer un plus grand nombre de visiteurs… « Oui, nous sommes conscients que c’est un risque, mais c’était quitte ou double. Soit nous le faisions, soit il ne se passait rien. Il faut que les gens en profitent intelligemment. Il y a aussi une guérite d’accès. Mais c’est important de faire connaître les joyaux du territoire et de les préserver pour les générations futures. »

Une pétition est d’ailleurs en cours pour la préservation du lac Crystal sur le site Change.org.

Le défi d’harmonisation

La préfète Isabelle Perreault souligne que la MRC de Matawinie entend bien la volonté de mettre en valeur les ressources du territoire. Au niveau de l’appel de projets pour les aires protégées en terre publique qui a été lancé par le gouvernement, la MRC de Matawinie a reçu 36 propositions de projets de la part de citoyens. En raison des courts délais, il était impossible, précise Mme Perreault, d’analyser chacun en profondeur. Ainsi, la MRC a pris l’orientation d’accorder à tous son « appui à l’analyse du projet », qui était une étape nécessaire pour que les projets soient considérés par le ministère de l’Environnement. Soulignons que cette résolution adoptée par la MRC ne constitue pas un appui aux projets d’aires protégées, mais plutôt un appui au fait qu’ils puissent poursuivre le processus et faire l’objet d’une concertation régionale.

La MRC de Matawinie a demandé au gouvernement de tenir compte des projets déposés dans la planification forestière, mais cette requête a été refusée, dévoile Mme Perreault.

Cette dernière rappelle que la planification des coupes émane du Ministère et que le rôle de la MRC est de tenter d’harmoniser les chantiers avec les autres usages sur le territoire. « Ce qu’on veut, c’est qu’il y ait de l’harmonie. Les élus sont sur un mince fil pour protéger l’industrie forestière et la villégiature. »

Des mesures spécifiques seront mises en place

Invité à commenter, le ministère des Ressources naturelles et des Forêts indique avoir rencontré les différentes parties dans ce dossier à plus de huit reprises pendant plusieurs mois.

« Lors de ces rencontres, les représentants de l’Association ont transmis leurs préoccupations au MRNF et ont reçu des réponses. Leurs préoccupations ont été prises en compte et ont d’ailleurs fait l’objet de mesures d’harmonisation. Des rapports complémentaires préparés par des firmes de biologistes indépendants ont aussi été fournis par l’Association au cours de ce processus. Après analyse, les conclusions de ces rapports ont été intégrées aux modalités de récolte prévues lorsqu’elles étaient complémentaires de la réglementation et des normes administratives d’intervention dans les sites fauniques d’intérêt », laisse savoir le Ministère.

Au niveau des territoires visés par les projets d’aires protégées déposés, le MRNF et le MELCCFP ont convenu que les activités de mise en valeur des ressources naturelles (forestières et minières) et du territoire se poursuivront, et ce, jusqu’à l’obtention, le cas échéant, d’une décision gouvernementale favorable pour ces projets.

Plus concrètement, le chantier Crystal prévoit des coupes partielles et des coupes avec protection de la régénération et des sols. « Bien que les autorisations n’aient pas encore été délivrées, il est prévu que la partie des travaux planifiée sur les sols plus sensibles soit réalisée en hiver, donc possiblement l’hiver prochain. Par ailleurs, les modalités de protection pour un site qui requiert une vigilance particulière comme le lac Crystal ont été appliquées. Ces modalités avaient été convenues en collaboration avec le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Par ailleurs, un travail de caractérisation du bassin versant a été réalisé par les firmes retenues par l’Association des villégiateurs du lac Crystal et a permis d’identifier des éléments complémentaires des analyses cartographiques et de terrain ayant servi de base à la planification. Ces éléments ont été intégrés directement ou seront intégrés dans la planification des opérations forestières. »

Le Ministère précise qu’en plus des mesures que prévoit la réglementation en vigueur pour assurer une telle protection, plusieurs autres, spécifiques à ce secteur d’intervention, s’ajouteront.