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13 mars 2024

Mélissa Blouin - mblouin@medialo.ca

La dernière représentation d’une grande tradition

Le chant du cygne

Show ESBJ

©(Photo Médialo- Mélissa Blouin)

Yves Bourgeois, Alain Duval, Carl Geoffroy et Patrick Léveillé.

Depuis plus de 30 ans, le Show ESBJ, aussi connu sous le nom de « Show des profs », fait partie de l’identité de l’école secondaire Barthélemy-Joliette. Ce spectacle rassembleur, dans lequel plusieurs membres du personnel et des centaines d’élèves ont été impliqués, a marqué la mémoire de nombreuses cohortes et a su créer un important sentiment d’appartenance. Le 1er mai prochain marquera la fin de cette tradition, alors que sera présenté, au Centre culturel Desjardins, Le chant du cygne.

Après avoir interprété plus de 300 chansons de styles différents, avoir permis à des centaines de jeunes de s’épanouir grâce à la musique et avoir créé une multitude de parodies dénonciatrices ou loufoques, les enseignants Carl Geoffroy, Patrick Léveillé, Yves Bourgeois et Alain Duval seront réunis sur scène pour une dernière fois.  

« C’est la fin de quelque chose qui dure depuis le début de nos carrières! Il va falloir travailler fort pour ne pas pleurer pendant le show, mais au moins, nous partons en sachant qu’il y a une relève », a expliqué Patrick Léveillé en rencontre avec L’Action.   

Au cours des cinq prochaines années, les enseignants qui gèrent le spectacle se dirigeront tous vers la retraite. Ils ont donc décidé de passer le flambeau aux élèves de l’École du rock. « Est-ce que le spectacle va perdurer tel quel ? Peut-être pas, mais je fais confiance à l’avenir et qu’il y a autre chose qui va naître de ça », a ajouté Carl Geoffroy.  

Cette année, ce sont une dizaine de membres du personnel et une trentaine d’élèves (musiciens, chanteurs, techniciens) qui travaillent sur le spectacle depuis septembre. Il s’agit d’une belle expérience pour les jeunes qui vivent le processus de création complet, allant des auditions jusqu’à se produire sur scène. « C’est un apprentissage technique, scénique et social. Ils apprennent que la musique, c’est très demandant et que ça se fait ensemble, en écoutant les autres. » 

Les enseignants se donnent comme première mission d’accompagner les élèves et de les amener à se surpasser, autant au cœur du spectacle que dans leurs études. « C’est notre job de susciter des passions et de les sortir des sentiers battus! On leur montre qu’ils sont capables et à la fin, c’est notre plus grande paie de les voir rayonner et de voir qu’ils ont grandi », a mentionné Patrick Léveillé.  

Pour certains élèves qui ont pris part au Show ESBJ, cela a même représenté le début de leur carrière. C’est notamment le cas pour Philippe Drolet, qui est maintenant claviériste à En direct de l’Univers. Les enseignants racontent également avoir recruté un élève de secondaire trois qui était sur le point de décrocher. « À 15 ans, il jouait aussi bien que le bassiste de Primus! Finalement, il est allé jusqu’à l’université, en musique, et en a fait sa carrière! » 

Show ESBJ

©(Photo gracieuseté- Yves Buteau)

Le monstre de Barthélemy-Joliette 

Outre l’épanouissement des jeunes, le principal élément qui motive les professeurs à refaire un spectacle chaque année est la complicité qui en ressort. « On est bien ensemble et on a du fun! Si ce n’était pas de notre amitié, je ne sais pas si je le ferais, c’est trop d’ouvrage», a avoué M. Geoffroy. La pratique du jeudi soir leur permet de se réunir et a même un effet thérapeutique. « C’est une catharsis! Si tu as eu des problèmes dans ta journée, tu sais que tu peux en parler! », a ajouté Yves Bourgeois, le chanteur officiel du groupe.  

Le spectacle, autant pour les jeunes qui y participent que pour ceux qui y assistent, permet aussi aux élèves de voir leurs professeurs sous un autre angle. « Quand ils nous revoient, nous ne sommes plus les mêmes! Ils ont une autre vision de l’enseignant qui explique un participe passé, car nous sommes un peu niaiseux sur scène», a rigolé M. Léveillé. 

À cette remarque, ses collègues se sont empressés de raconter la fois où le professeur de français devait chanter La Banane de Philippe Katerine sur scène avec son ukulélé. « Quelqu’un devait m’arrêter au deuxième couplet, mais ils ne sont jamais venus, ils m’ont laissé continuer la chanson et riaient tous en arrière-scène! » 

Des anecdotes, les professeurs en ont des tonnes, dont le fameux monstre de Barthélemy-Joliette. « Chaque fois qu’un élève n’avait pas fait son devoir ou n’avait pas ses espadrilles, c’était parce que le monstre de l’école les avait mangés, alors on a décidé de l’intégrer dans le spectacle. » Ce sont les étudiants du cours de scénographie qui avaient créé le costume dans lequel Alain Duval, Yves Bourgeois et Patrick Léveillé prenaient place. « Les élèves n’avaient pas replié les clous à l’intérieur, alors on se faisait piquer de partout pendant qu’on chantait! En plus, j’avais dit au technicien de mettre beaucoup de boucane sur scène, mais lui, il a lancé la boucane dans le monstre! On ne voyait plus rien et on étouffait! » 

Carl Geoffroy, spectateur de ce moment, a évoqué que cela avait été magique: « c’était dingue, la chanson Seven Nation Army commençait et tu voyais juste le monstre et ses deux points lumineux sortir de la boucane! » M. Geoffroy a d’ailleurs tenu à souligner la créativité de ses collègues. « Yves et Pat ce sont les idéateurs du groupe, ils ajoutent la couleur particulière et font en sorte que le spectacle devient un événement! » 

Côté folies, Alain Duval détient aussi un rôle important, « les vieux de la vieille savent qu’Alain va venir sur la scène à un certain moment pour faire quelque chose d’un peu disjoncté! » Les enseignants se souviennent notamment de la fois où il avait fait de la claquette en pantoufles Phentex alors que quelqu’un d’autre faisait le bruitage en coulisses.  

Certains élèves ont aussi marqué l’histoire du Show ESBJ, comme Philippe Lessard. « C’est un guitariste hallucinant et à son dernier solo, il a sorti des ciseaux et a commencé à couper ses cordes. On se demandait ce qu’il faisait là! Il a recommencé à jouer juste sur une corde, c’était vraiment impressionnant! » 

Vas-y, Johnny! 

Depuis la création du Show ESBJ, les enseignants ont repris plus de 300 chansons en plus de créer de nombreuses parodies. Certaines ont traversé les années, comme la célèbre chanson Johnny qui est là depuis le début, « si on ne la fait pas, il y a une émeute! » Au cœur de celle-ci, les enseignants se moquent des élèves et des situations de la vie quotidienne sur l’air de Johnny B. Goode.  

« On s’est dit: on va faire ça tellement gros que ça va paraître que c’est exagéré! Mais la première fois que j’ai chanté « les étudiants qu’on a à Barthélemy, ils sont plus collés que du préfini » j’avais peur qu’ils le prennent mal! Bien non, ils sont partis à rire! » Chaque année, les paroles sont modifiées pour suivre l’actualité de l’école. À une époque où les élèves se cachaient dans les toilettes pour fumer, le groupe chantait: « les étudiants qu’on a à Barthélemy, ils font de la boucane quand ils font pipi! »  

L’objectif des enseignants est aussi de faire découvrir plusieurs styles musicaux. Ils ont notamment parlé de la cafétéria sur une chanson d’Iron Maiden et récité des produits chimiques sur un air d’opéra.  

Parmi les nombreuses parodies, les enseignants ont leur propre coup de cœur. Patrick Léveillé aime particulièrement la chanson Bato N Roll qui a été enregistrée dans un studio professionnel et utilisée comme vidéo promotionnelle. De son côté, Carl Geoffroy, qui est un amateur de country, a choisi la chanson de Montgomery Gentry dans laquelle ils parlent de la surconsommation des jeunes, « je travaille pour mon cell, pour ma blonde, je bûche à la semaine longue ». Quant à Yves Bourgeois, son choix s’est arrêté sur la chanson Survivants qu’ils avaient fait en hommage aux élèves qui sont arrivés pendant la réforme. « Les pauvres, il n’y avait rien de prêt, c’était l’enfer! » 

Il y a plusieurs années, une de leurs parodies dénonciatrices leur a valu une lettre de blâme de la part d’un ancien membre de la direction. En réponse à cette remontrance, ils ont composé Chanson à prendre au pied de la lettre qui était plus positive. Il s’agit toutefois de la seule occasion où les enseignants ont été réprimandés. « Au contraire, quand on a annoncé à la direction que c’était le dernier spectacle cette année, elle refusait d’y croire! » 

Pour cette dernière performance, les enseignants feront notamment un medley de leurs parodies. « C’est le petit cadeau qu’on veut se donner à nous et aux spectateurs pour se rappeler ce qu’on a fait, ça va être un bon spectacle! » 

Des anecdotes et des souvenirs referont aussi surface entre les chansons et amèneront beaucoup de nostalgie. D’autant plus que, chaque année, une grande partie de l’assistance est composée d’anciens élèves, ce qui touche les enseignants. « Parfois, certains nous font sentir qu’ils ont juste hâte de s’en aller et de ne jamais revenir, mais tu te rends compte qu’ils reviennent et qu’ils sont contents de le faire! » L’annonce du dernier spectacle a d’ailleurs suscité un immense engouement sur une page Facebook d’anciens étudiants. « On est en train de créer un conventum! »  

Les billets sont en vente à la réception de l’école secondaire au coût de 15$.  

Show ESBJ

©(Photo gracieuseté- Barthélemy-Joliette)

Historique 

C’est vers le début des années 90 que les enseignants ont commencé à faire de la musique ensemble et que, peu à peu, le concept a évolué. « Je dirais que c’est presque Claude Lessard le père de tout ça, dès que quelqu’un de nouveau arrivait, il lui demandait s’il jouait de la musique! Il faisait beaucoup de prospection et investissait beaucoup de temps dans le projet», a mentionné Yves Bourgeois.  

Les enseignants ont ensuite remarqué que la dernière journée d’école, avant les congés de Noël, les étudiants ne venaient pas, ou ne restaient pas. Ils ont donc décidé de monter un spectacle de Noël avec de la musique, des tirages et des jeux. C’est comme cela, vers 1998, que le « show des profs » est né et il a ensuite constamment évolué et est devenu le show ESBJ. Le spectacle, ainsi que le calibre du groupe, prenaient de l’ampleur d’année en année. « On s’est dit que c’était assez solide pour faire un show le soir et mettre un montant à l’entrée pour financer le matériel! » 

Au cours des années, les enseignants se sont même produits en dehors des murs de l’école. Ils ont performé, à la demande des étudiants, lors de trois bals de finissants (1998, 2000 et 2005), « les élèves trippaient, nous étions censés faire une heure et avons finalement fait toute la soirée! » Ils ont aussi joué dans un bar de Saint-Jacques et ont fait deux spectacles pour Entraide Lanaudière vers les années 2010. « C’était tout un public, les gens avec une déficience intellectuelle! Nous étions vraiment des rock stars pour eux et ils dansaient avec cœur! » 

©(Photo gracieuseté- Barthélemy-Joliette)

Patrick Léveillé

©(Photo gracieuseté- Yves Buteau)

Carl Geoffroy

©(Photo gracieuseté- Yves Buteau)

Yves Bourgeois

©(Photo gracieuseté- Yves Buteau)

Patrick Léveillé

©(Photo gracieuseté- Yves Buteau)

Commentaires

14 mars 2024

Claude Lessard

Très bel article !!! Merci !!!

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