Des actes discriminants dénoncés par des femmes atikamekw

(Photo Médialo - Jason Joly)
(Photo Médialo – Jason Joly)

Affirmant avoir subi des interventions chirurgicales stérilisantes sans en avoir donné un consentement libre et éclairé, des femmes atikamekw de Manawan demandent une compensation de la part de trois médecins et du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Lanaudière. Le déploiement d’une action collective leur a ainsi été accordé afin qu’elles puissent dénoncer la discrimination systémique et la désinformation dont elles disent avoir été victimes.

Cette action collective s’adresse plus précisément à des femmes d’origine atikamekw qui ont eu des chirurgies stérilisantes depuis les années 80 au Centre régional De Lanaudière (CHDL) ou dans des installations du CISSS de Lanaudière. Le recours est présenté par deux demanderesses principales, dont les identités ont été changées pour respecter la confidentialité. « Ces femmes reprochent aux médecins de ne pas avoir eu leur consentement éclairé à la stérilisation. […] Elles reprochent aussi au CISSS d’avoir omis de prendre des mesures pour prévenir, sanctionner et faire cesser cette pratique dont elles estiment qu’elle était courante à l’hôpital », résume Léa Lemay Langlois, avocate pour le cabinet Dionne Schulze. Sa collègue Maryse Décarie-Daigneault et elle sont responsables du dossier.

Pour l’instant, l’action regroupe une trentaine de personnes, mais Me Lemay Langlois explique qu’il n’est pas obligatoire pour les membres de se manifester pour en faire partie. « Pourvu que leur situation corresponde à la description du groupe, elles sont visées par le recours. C’est donc très possible que des femmes ne nous aient pas contactées, mais soient incluses. »

Me Léa Lemay Langlois. (Photo gracieuseté)

Cas de figure

Bien que chacune ait vécu une situation qui lui est propre, Léa Lemay Langlois relate que certains « cas de figure » sortent du lot. La demande introductive d’instance de l’affaire documente quelques exemples. Des demanderesses auraient notamment subi une ligature des trompes de Fallope à leur insu, l’opération ayant été effectuée au cours d’une autre intervention comme une césarienne. Ainsi, un consentement avait été signé pour la réalisation de cette dernière, mais pas pour la stérilisation.

D’autres femmes affirment avoir été mises sous pression par leur médecin. L’un en particulier aurait eu des propos semblables à des préjugés et à des stéréotypes liés à l’identité atikamekw de la patiente pour expliquer l’importance de la stérilisation. « Des paroles comme « vous avez trop d’enfants » ou « vous n’allez pas être capable de vous en occuper de toute façon » ont été rapportées », relate Me Lemay Langlois. Le groupe de femmes observe qu’un contexte de discrimination systémique existait au sein du CHDL depuis des années alors que ce genre de propos étaient monnaie courante.

Pour certaines patientes, l’intervention chirurgicale stérilisante a été présentée comme une méthode nécessaire à la préservation de leur vie ou de celle de leur enfant. « Alors que dans le dossier médical, nous ne retrouvons aucune information sur le risque à la santé », évoque l’avocate. D’autres ont reçu comme information que la procédure stérilisante était réversible et qu’il s’agissait d’une méthode de contraception comme les autres. C’est toutefois au moment où elles ont rencontré d’autres médecins pour retrouver leur fertilité qu’elles ont appris qu’il n’y avait plus aucune possibilité pour elles d’avoir des enfants par voie naturelle.

Des femmes et une communauté impactées

Les demanderesses rapportent de nombreuses conséquences. Certaines étaient physiques, avec la perte des fonctions reproductives et des débalancements hormonaux considérables. D’autres étaient plutôt psychologiques alors que les femmes ont éprouvé le sentiment de s’être fait imposer une procédure qu’elles ne souhaitaient pas, en plus de subir une atteinte à leur identité. « Il y a beaucoup de honte, de tristesse et de culpabilité associées à cela », dévoile Léa Lemay Langlois.

Les membres de l’action collective mettent toutefois un point d’honneur à dénoncer la pratique de ces interventions stérilisantes sans leur consentement éclairé. Dans plusieurs cas, aucune signature pour accorder une ligature des trompes n’a été trouvée dans leur dossier médical. D’autres considèrent que la pression et les menaces qu’elles ont vécues ne leur permettaient pas de prendre une décision libre. Me Lemay Langlois ajoute que de nombreuses femmes avaient comme langue maternelle l’atikamekw. Ainsi, les informations données ont parfois pu être mal comprises.

Les femmes accusent donc les médecins de ne pas avoir révélé les conséquences de ces procédures et de ne pas s’être assuré de la bonne compréhension de leur patiente envers ces chirurgies. « Ils ont agi de façon à présenter de mauvaises informations sur la procédure elle-même en disant qu’elle est réversible et nécessaire, mais aussi sur ses conséquences. Toutes ces informations ne sont pas communiquées du tout ou mal communiquées, ce qui empêche de faire un consentement éclairé et libre », estime l’avocate. Avec cette action, les demanderesses espèrent donc « obtenir justice pour ce qu’elles ont vécu, elles ainsi que leur communauté ».

Les avocates s’affairent donc à monter le dossier dans l’éventualité d’un procès. Le montant à réclamer est toujours à déterminer, mais les plaignantes demandent des dommages et intérêts compensatoires, en plus de dommages punitifs puisqu’elles considèrent que leurs droits ont été bafoués. En attendant la suite, Léa Lemay Langlois rappelle que les femmes membres du recours ainsi que celles voulant s’y joindre peuvent contacter le cabinet Dionne Schulze en tout temps pour avoir plus d’informations.

Contacté par le Journal, le CISSS de Lanaudière s’est tenu de réagir : « Considérant le processus judiciaire et nos analyses en cours, nous ne ferons aucun commentaire. »

Articles les plus consultés

(Photo Médialo - archives)
Communauté

Les naissances du 26 septembre au 14 octobre 2025

Les avis des dernières naissances survenues dans Lanaudière.
(Photo gracieuseté - Caroline Babin)
Actualités
Communauté

La Table des préfets de Lanaudière soutient 34 projets solidaires

La Table des préfets de Lanaudière partage la somme de 3 421 915,48 $ entre 34 projets solidaires proposés par des organismes de la région.
(Photo Médialo - Jason Joly)
Communauté

Des actes discriminants dénoncés par des femmes atikamekw

Des femmes atikamekw dénoncent qu'elles ont subi des stérilisations sans donner un consentement libre et éclairé.