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Retour20 mars 2024
Élise Brouillette - ebrouillette@medialo.ca
Après-coups, un appel à l’écoute et à la bienveillance
Violence faite aux femmes
©Photo gracieuseté - L'Action
Le documentaire Après-coups, de la cinéaste Romane Garant Chartrand, aborde d’un point de vue unique la violence conjugale en donnant le micro à de véritables survivantes. Tourné à la Maison La Traverse, à Joliette, le court-métrage mène à la rencontre de femmes qui s’expriment dans un cercle de parole pour dénoncer ce qu’elles ont vécu afin de reprendre le pouvoir sur leur vie.
Romane Garant Chartrand et Laurie Pominville ont été sélectionnées dans le cadre de l’initiative Repêchage, lancée en 2015 par le Studio documentaire de l’ONF, en collaboration avec l’UQAM, pour permettre à des finissantes et finissants de l’École des médias de réaliser une première œuvre professionnelle.
« Il s’agit de mon premier film professionnel et l’ONF m’a donné carte blanche », raconte la réalisatrice en entrevue avec L’Action. Elle poursuit : « Cela faisait longtemps que je voulais faire un film sur les lignes d’écoute ou les maisons d’hébergement et je savais que j’allais être bien encadrée par l’ONF. »
Elle a fait équipe avec Laurie Pominville, qui est aussi une amie, et qui a agi à titre de productrice associée.
Romane Garant Chartrand confie qu’elle a été secouée par le mouvement #Me Too, les dénonciations d’agressions sexuelles dans le milieu de l’humour et la multiplication des féminicides. Ces phénomènes ont énormément alimenté les réflexions et les discussions des deux amies. Le documentaire est, pour la réalisatrice, une manière de faire sa part pour changer les choses et d’offrir un outil de sensibilisation. « Il y a beaucoup d’incompréhension et un sentiment d’impuissance qui viennent avec la violence conjugale. J’ai envie que mon cinéma parte de quelque chose qui me bouleverse et qu’il permette d’élever la voix de personnes qui sont plus silencieuses. »
Le tournage s’est réalisé en plusieurs étapes et le film est l’aboutissement de deux années de travail. La cinéaste s’est d’abord assurée d’avoir l’aval de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes. Elle raconte aussi qu’elle a eu un coup de cœur pour la Maison La Traverse, pour sa vision et les rapports d’égalité qui y sont établis entre les femmes et les intervenantes.
« La première fois, je me suis présentée à Joliette sans caméra, afin de parler du projet aux femmes et de savoir ce qu’elles en pensaient. »
Romane Garant Chartrand a passé sept mois sur place avant que l’équipe de tournage n’arrive. Elle a pris part à des rencontres de groupe où elle pouvait aussi prendre la parole et intervenir. « J’avais la confiance des intervenantes et de la direction et ça me permettait d’avoir ensuite celle des femmes. »
La réalisatrice souligne que ce serait la première fois qu’une caméra entre dans une maison d’hébergement. « Mais je savais que tant que j’y croyais, ça allait fonctionner. »
Le tournage a débuté avec la prise de son seulement et progressivement, les cinq membres de l’équipe ont été intégrés.
« Les femmes ont senti qu’elles participaient à quelque chose de grand et qu’elles pouvaient influencer le vécu d’autres personnes. C’était crève-cœur de ne pas entendre les intervenantes, mais ce qui m’intéressait pour ce projet était de tourner le micro vers les femmes et de porter l’attention vers les survivantes », explique la réalisatrice.
Au cœur du documentaire, on découvre les survivantes alors qu’elles prennent la parole en groupe. « Je voulais montrer comment elles cheminent ensemble, c’est une chorale de vécus et d’histoires juxtaposées. L’histoire d’une femme peut très bien être celle d’une autre. On se rend aussi compte que des "patterns" reviennent, que les femmes ont les mêmes traumas. »
Les participantes ont pu visionner le documentaire avant le montage final. « C’était important pour moi d’avoir leur regard et je voulais être sûre que ce soit juste. Les réactions ont vraiment été touchantes », raconte Romane.
« C’est un appel à l’écoute et à la bienveillance. C’était essentiel pour moi que ce ne soit pas sensationnaliste, mais plutôt dans les nuances. Notre visée est que ce film parle à tout le monde. Il y a tellement de détails de la violence qu’on ne connait pas. »
La réalisatrice aimerait d’ailleurs proposer le film à des organismes, des groupes sociaux, des écoles ou des groupes de femmes. Elle tient aussi à le faire voyager et à le sortir des grands centres.
« Le film s’adresse aussi à l’entourage des victimes, à ceux qui peuvent être activement impliqués, être alertes aux signaux, et qui peuvent faire une différence », conclut-elle.
Le court-métrage est disponible gratuitement sur onf.ca.
©Photo gracieuseté - Éva-Maude TC - L'Action
La réalisatrice et scénariste Romane Garant Chartrand.
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