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21 mars 2017

Un père repenti raconte comment il en est venu à frapper ses enfants

©Photo - Deposit Photos

TÉMOIGNAGE. Quand Sébastien* était jeune, tout était permis. Tout sauf une chose. User de violence envers sa conjointe ou ses enfants. Cette seule règle apprise dans sa jeunesse, il l'a transgressée quand il est devenu père.

« J'ai fait usage de violence envers trois de mes quatre enfants. Je leur ai donné des claques à répétition, j'ai hurlé après eux, je les ai traités de noms », décrit Sébastien, les larmes aux yeux.

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Cri du cœur

Sébastien, 35 ans, a réussi à proscrire la violence de sa vie grâce à de multiples thérapies et peut envisager son avenir et celui de ses enfants avec optimiste. Or, la violence a longtemps fait partie de sa vie… et de celle de ses enfants.

« Des claques, j'en ai données beaucoup. C'était "paf", là. J'essayais de ne pas le faire et tout d'un coup, je paniquais et ça partait », raconte-t-il difficilement.

Aujourd'hui, il lance un cri du cœur et demande aux hommes qui usent de violence envers leur famille d'aller, comme lui, chercher de l'aide pour s'en sortir.

« C'est bien de s'en rendre compte, mais, si tu t'en rends compte et que tu restes tout seul avec, il y a de bonnes chances que ça reste », lance-t-il.

Pas le bon chemin

En abordant le revers plus sombre de la médaille, il souhaite aussi sensibiliser la population.

« On fait ça parce qu'on ne connaît pas le bon chemin. Si tout le monde qui connaît le bon chemin se tasse de nous autres, ça ne nous aidera pas à changer, insiste-t-il. La personne qui exerce des comportements violents n'est pas nécessairement un monstre pour autant. Des fois, c'est qu'on ne sait juste pas comment faire autrement. »

Une seule règle

Pendant longtemps, Sébastien n'a lui-même pas su faire autrement.

Pourtant, quand il était jeune, il était plutôt celui qui se faisait intimider à l'école. À la maison, c'était un laisser-aller presque complet. Tout était permis sauf se taper dessus. Armé de cette seule règle, il a, à la mi- vingtaine, fondé sa famille avec son ex-conjointe qu'il venait alors de rencontrer.

Ils ont eu un enfant, puis le deuxième est né treize mois après l'arrivée du premier. C'est là que Sébastien a commencé à user de violence envers son aîné, aujourd'hui âgé de 10 ans.

Pas d'autorité

« Quand il a commencé à marcher, qu'on lui donnait des consignes et que ce n'était pas respecté, là, ça a commencé à devenir plus difficile pour moi. Je me sentais inadéquat, que je n'étais pas un bon père, que je n'étais pas capable d'avoir d'autorité sur mes enfants. C'est en essayant d'aller chercher de l'autorité que j'ai commencé à exagérer », témoigne-t-il.

« J'ai commencé avec une petite tape sur les doigts en disant "Non, ne touches pas à ça". Sauf qu'à un moment donné, ça a dégénéré. C'était rendu des grandes claques sur la gueule. J'ai déjà lancé mon plus vieux dans son lit parce qu'il ne voulait pas aller se coucher. Il devait avoir environ deux ans et demi », mentionne-t-il.

Des gestes comme ceux-ci, ses trois aînés y ont goûté. La violence a commencé envers eux quand ils ont atteint un an à un an et demi,  quand ils ont commencé à marcher et à devoir suivre des consignes.

Une première alerte

Au fil des ans, la relation de couple de Sébastien s'est effritée pour diverses raisons. Il y a eu une rupture. Il s'est retrouvé seul chez lui avec ses enfants. C'est là qu'il a eu sa première alerte.

« Après deux ou trois jours, le dernier était encore bébé et il n'arrêtait pas de pleurer. Je n'arrivais plus à rien faire pour le consoler. J'ai envisagé de l'étrangler. J'ai paniqué. J'ai renvoyé les enfants chez leur mère. J'ai tout débranché, fermé les stores et arrêté d'aller travailler », se rappelle-t-il durement.

« Je me suis dit que ça n'avait pas de bon sens. Que je ne pouvais pas être cet homme-là », ajoute-t-il.

Syndrome du « guéri »

Sébastien s'est inscrit dans un centre d'aide pour hommes aux comportements violents, mais il n'a pas complété sa thérapie.

« J'ai arrêté à cause du syndrome du guéri », explique-t-il.

Après un an et demi, le couple a repris, mais la relation s'est rapidement dégradée et « les enfants ont écopé ».

« Là, c'est revenu, sans revenir au point où j'envisageais d'étrangler quelqu'un, c'est revenu au point où j'avais la claque facile, je criais », raconte-t-il.

Quand il a replongé après avoir réussi à vivre deux ans sans violence, Sébastien savait qu'il aurait dû aller chercher de nouveau de l'aide.

Plainte

« Mais, je m'étais convaincu que si ça n'avait pas marché une première fois, ça ne marcherait pas une deuxième fois, dit-il. Je me disais : "Ça va donner quoi? Je vais gagner un an et ensuite je vais recommencer?" »

Un jour, son aîné a eu peur de lui montrer ses résultats scolaires.

« Quand son professeur l'a su, il y a eu un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse, raconte-t-il. Quand j'ai été convoqué au poste de police, ça a été le deuxième élément déclencheur. J'espérais qu'on m'envoie en dedans. Je me disais que j'allais me faire casser la gueule et que ce n'était que ça que je méritais. Pour moi, la prison, c'était une manière de me punir et aussi de m'en sortir. »

Sébastien avait honte. Il a aussi pensé au suicide pour régler son problème de violence.

« Il y a des moments que je me disais que je devais juste disparaître, comme ça, les enfants ne souffriraient plus. Je me disais que si je ne trouvais pas une autre solution, que celle-là marcherait », se souvient-il.

Nouvelle thérapie

En décembre 2013, Sébastien a été accusé de voies de fait sur trois de ses quatre enfants. Il a plaidé coupable puis, avant que le jugement sur la peine soit rendu, il a décidé d'entreprendre une thérapie fermée de six mois.

« Cette thérapie-là, c'était une thérapie avec confrontation. C'était un défi pour moi », dit-il.

Conscient de son problème de violence, il a aussi décidé de voir ses enfants uniquement sous la supervision d'un organisme venant en aide aux familles.

« J'avais du feed-back sur ce qui a marché, sur ce qui a moins bien marché. On m'a donné plein de trucs. Il faut les implanter et ça prend du temps, mais moi, je ne le voyais pas [avant] », dit-il.

Après les six mois de thérapie, en mai 2015, il a reçu sa peine. Il a obtenu une probation de deux ans avec suivi. Il a continué à voir ses enfants sous supervision, ce qui l'a grandement aidé à développer une relation saine avec eux.

Thérapie de groupe

En avril 2016, il a entrepris un programme de thérapie de groupe de 21 semaines au Centre d'aide pour hommes de Lanaudière, à Joliette. Cette fois, il a complété le programme.

« Ça m'a amené beaucoup de confiance en moi, et ça m'a appris les étapes du repli stratégique. Quand on est habitué d'avoir des comportements violents, ce sont des étapes qu'on ne fait pas. C'est plutôt le problème est là et c'est maintenant que je le règle. »

Le repli stratégique consiste entre autre à reconnaître les signes de tension annonciateurs, se retirer, lâcher prise et surtout, communiquer.

« Maintenant, quand il y a un problème et que je n'ai pas de solution, je m'en vais réfléchir à une solution. Puis, je reviens et je fais un caucus familial avec mes enfants », dit-il.

Il a mis en place des balises avec ses enfants, des règles que lui n'avait jamais eues étant jeune.

Des petites victoires

Avec le temps, il a réussi à reconstruire une relation de confiance avec ses enfants.

« Il y a eu beaucoup de travail à faire de ce côté-là », avoue-t-il.

Sébastien ne nie pas que d'agir autrement est un combat de tous les jours.

« Les idées sont là. Ça revient des fois, mais je me ramène. Ça devient plus facile avec le temps, à force de gagner des petites victoires chaque jour. C'est aussi de prendre le temps de se donner une tape dans le dos, personne d'autre ne va le faire à ma place. »

*Sébastien est un nom fictif utilisé afin de ne pas identifier ses enfants.

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