Possédant une installation dans la Zec des Nymphes depuis longtemps, plusieurs propriétaires s’inquiètent de récentes décisions prises par leur conseil d’administration. En contestation, certains d’entre eux ont décidé de former un « comité d’irrégularités » pour faire la lumière sur les agissements des administrateurs et sur des actions qui allaient, selon eux, à l’encontre des droits des propriétaires.
Les dossiers problématiques sont nombreux à la Zec des Nymphes, des aveux de Benoit Lévesque, porte-parole de ce comité, qui, durant l’été, a contacté une trentaine de Zecs pour comprendre leur fonctionnement. C’est de cette façon qu’il a découvert que son organisation était différente des autres. Lors d’une rencontre avec des membres le 25 novembre dernier, M. Lévesque a résumé la situation dans l’espoir d’en convaincre plusieurs de voter pour l’organisation d’une assemblée spéciale. Durant celle-ci, les administrateurs seraient amenés à répondre aux questions demandées par les membres. Le porte-parole souhaite donc récolter près de 80 noms, soit le nombre nécessaire pour produire un registre et mettre en place cette assemblée.
Des dernières volontés non respectées
L’un des dossiers qui préoccupe le plus les membres est celui de la succession d’une propriété, sur le territoire de la Zec des Nymphes. Les membres ont remarqué un récent changement dans leur bail et ils en comprennent que, sauf en cas de succession entre conjoints, leurs proches n’hériteront pas de leur propriété. « Présentement, dans notre Zec, des règlements qui vont à l’encontre du Code civil sont faits. Si quelqu’un décède et qu’il n’a pas de conjoint, le testament n’est pas reconnu pour les héritiers qui sont ses enfants. On va tous mourir un jour donc ça va tous nous concerner! », remarque Benoit Lévesque.
Des connaissances de ce dernier se retrouvent d’ailleurs dans une situation problématique depuis plus d’un an à cause de ce changement. À la suite du décès d’un propriétaire, l’un de ses fils a décidé de mettre en vente sa roulotte en 2021, une vente qui a préalablement été autorisée par le conseil d’administration de la Zec des Nymphes. La propriété a trouvé preneuse et une promesse d’achat a été faite en mai 2022. Puis, à la fin du mois, la Zec a décidé de suspendre les ventes de gré à gré, n’autorisant plus les vendeurs à régler leurs affaires entre eux. Ainsi, l’accord entre le fils du défunt propriétaire et l’acheteuse n’était plus valide.
Pour l’acquéreuse en question, qui a accepté de témoigner sous le couvert de l’anonymat par peur de représailles, cette situation est devenue insoutenable. Elle assure que l’achat de l’installation, pour laquelle elle a eu le coup de foudre, a été fait en bonne et due forme. « Le mois suivant, je reçois une lettre qui dit que la vente était illégale et que je devais sortir », se rappelle l’acheteuse. Elle a ensuite contesté cet ordre et, lorsque demandé, elle a fourni des papiers signés devant témoins prouvant l’achat. Elle a tout de même pu s’installer, mais elle dénonce des tentatives d’intimidation et de surveillance excessives qui lui apportent beaucoup d’anxiété : « Je ne veux pas faire de mal, je veux juste qu’on me laisse tranquille ».
Liste d’attente
Selon le directeur des opérations de la Zec, Pierre-Éli Brissette, c’est le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs qui demande à ce que les contrats de location soient transférés aux personnes enregistrées à la même adresse que le propriétaire, soit à leur conjoint. « On ne parle pas de succession de parent à enfant, ce n’est pas un patrimoine familial. C’est une terre publique, donc le terrain ne leur appartient pas », explique M. Brissette, qui ajoute que si d’autres Zecs agissent contrairement à ces directives, elles sont dans l’illégalité.
Le directeur des opérations indique que la décision d’annuler les ventes de gré à gré suit la même logique alors que le Ministère, par la loi 106, n’autorise pas cette façon de faire. Il nuance que les installations peuvent être vendues selon des ententes entre personnes, mais qu’elles doivent être déménagées hors du terrain puisque celui-ci ne leur appartient pas. « Ce doit être accessible à tout le monde. Alors, puisque c’est un camping, la personne doit reprendre son équipement lorsqu’elle a terminé son séjour et laisser le terrain pour qu’une autre personne, via une liste d’attente, puisse prendre la place », résume-t-il.
Cette liste, qui est affichée sur le site de la Zec des Nymphes, comporte des numéros associés à des membres qui souhaitent acquérir un terrain. Les espaces disponibles leur sont communiqués et les premiers sur la liste peuvent signer un contrat de location. Cette façon de procéder n’est toutefois pas appréciée des membres. Puisque seuls des numéros sont identifiés dans la liste, plusieurs s’inquiètent qu’il s’agisse de chiffres fictifs. Benoit Lévesque rapporte cependant que la liste n’est toujours pas fonctionnelle : « Nous sommes principalement insatisfaits de cette liste parce qu’elle est gérée par une seule personne, et ce, de façon anonyme ».
Création d’un poste « surprise »
Les membres s’opposent à une autre action prise par la Zec des Nymphes, soit la création du poste de directeur des opérations qui, selon eux, n’avait pas été affiché publiquement. Benoit Lévesque souligne n’avoir jamais été mis au courant de la tenue de ce poste. « Je ne critique pas la compétence de M. Brissette, mais il aurait fallu un minimum de transparence au cas où quelqu’un aurait souhaité appliquer pour ce poste », déclare M. Lévesque.
Pierre-Éli Brissette assure que le poste a été présenté durant deux semaines. « Le comité des ressources humaines a ensuite décidé de m’engager. À ce moment, j’ai décidé de démissionner de mon poste d’administrateur parce que je ne peux pas être les deux », indique-t-il. Pour Benoit Lévesque, le directeur aurait toutefois dû démissionner avant : « Il était en conflit d’intérêts et ne respectait pas le code d’éthique. Il a eu le nouveau poste sans l’afficher nulle part et a donné sa démission ensuite. » Le directeur se défend que le conseil d’administration « n’était pas tenu de publier une offre d’emploi, qu’il aurait pu regarder à l’interne en premier », mais que l’annonce a quand même été faite sur Réseau Zec.
De nombreux membres dénoncent également que les tâches reliées à ce poste ne leur ont jamais été mentionnées. M. Brissette résume donc qu’il devra mettre en place les décisions du conseil et qu’il pourra remplacer un employé à l’accueil en cas d’absence. Il aura aussi la charge de faire l’inventaire des emplacements de camping, ainsi que l’inspection des différents terrains, entre autres.
Lors de la réunion du 25 novembre, des administrateurs ont été invités à venir s’expliquer, mais, selon Pierre-Éli Brissette, puisque le comité « ne s'identifiait pas de manière vérifiable », qu’il faisait « mention de fausses allégations » et qu’il avait envoyé l’invitation sur un faux compte Facebook, ils ne se sont pas présentés. Toutefois, il se dit ouvert à la création d’une assemblée si le nombre de signatures est adéquat. De son côté, Benoit Lévesque invite en grand nombre les membres à venir inscrire leur nom pour l’organisation de cette rencontre spéciale les 13 et 15 décembre, à la salle des Chevaliers de Colomb de Joliette. « Le but de ces démarches n’est pas d’être méchant, mais de corriger des injustices », termine-t-il.