Des groupes citoyens et écologistes ont publié un rapport sur les impacts des activités d’exploration minière de la compagnie Nouveau Monde Graphite (NMG) en Matawinie. De nombreux cas de concentrations en métaux lourds dans les cours d’eau dépassant des critères de protection de l’environnement y sont identifiés, mais le rapport dénonce également des erreurs méthodologiques dans les évaluations environnementales réalisées par NGM.
Préoccupés par les impacts de ces activités sur leur environnement et dénonçant l’absence du ministère de l’Environnement en termes de surveillance environnementale des activités d’exploration, des résidents de Saint-Michel-des-Saints, dont plusieurs sont sympathisants de la Coalition des opposants à un projet minier en Haute-Matawinie (COPH), se sont mobilisés pour effectuer une campagne d’échantillonnage des cours d’eau bordant le site exploré par la minière. Ces données ont ensuite été traitées par un laboratoire agréé. « Il n’est pas normal que les citoyens doivent prendre le rôle de chien de garde environnemental des minières. Cela témoigne de déficiences inquiétantes au niveau des capacités ou de la volonté du ministère de l’Environnement à jouer son rôle de gardien du territoire », déclare Paul Comeau, de la COPH.
Les démarches des citoyens et la rédaction du rapport publié ont été soutenues par Eau Secours, la Société pour Vaincre la Pollution (SVP), la Coalition Québec Meilleure Mine (QMM) et MiningWatch Canada.
Le rapport soulève notamment deux enjeux importants selon les citoyens. Ils remarquent d’abord que les évaluations environnementales de NMG présentent des failles méthodologiques au niveau de la caractérisation initiale du milieu. « Ce que la compagnie décrit comme un « état initial » des cours d’eau semble plutôt être un état évalué après que ces cours d’eau aient été détériorés par certaines des activités d’exploration de la minière », décrivent-ils, avant d’ajouter que cela engendre des risques que l’encadrement environnemental qui en découle s’en trouve faussé.
De plus, le rapport stipule que des indices pointent dans la direction d’apports en métaux lourds et en soufre dans les cours d’eau bordant le site minier. Les échantillons présentent notamment une concentration en cadmium de 0,69 mg/kg dans les sédiments d’un cours d’eau situé juste à proximité des zones forées, alors qu’aucune concentration en cadmium n’a été détectée dans les sédiments de la station de référence. Les citoyens rappellent toutefois que les ministères de l’Environnement provincial et fédéral estiment que dès 0,60 mg/kg, des effets néfastes sur la vie aquatique sont attendus.
« Il n’existe pratiquement rien qui documente les impacts observés de l’exploration minière sur les écosystèmes du Québec. Ce rapport est donc unique en son genre, puisqu’il contribue à créer de la littérature sur un sujet sous-évalué et dont les impacts multiples sont largement sous-estimés », félicite Daniel Green, de la Société pour Vaincre la Pollution.
S’appuyant sur les constats dressés dans le rapport, les groupes demandent à NMG de prendre acte des cas de détérioration des milieux hydriques identifiés et de mettre en place des mesures « véritablement » efficaces de contrôle de la pollution que génèrent ses activités. Ils souhaitent aussi que la compagnie corrige les erreurs méthodologiques qu’ils ont identifiées dans le rapport.
Cependant, ce que les citoyens déplorent le plus est que les activités d’exploration semblent échapper aux processus d’évaluation environnementale et, sauf exception, qu’aucune surveillance gouvernementale n’est prévue pour valider l’application de bonnes pratiques par les minières. « À l’ère où le gouvernement provincial met les gaz à fond dans son « virage vert », la mobilisation citoyenne et écologiste démontre une fois de plus les dérapages d’un projet minier de la « filière batterie ». Sommes-nous donc à nouveau devant un énième projet soutenu davantage par la foi aveugle de notre gouvernement que par des garanties réelles, notamment en matière de protection de l’eau et des milieux naturels ? », questionne Émile Cloutier-Brassard, responsable des dossiers miniers pour Eau Secours.
Les organismes demandent donc au gouvernement provincial de revoir « radicalement » l’encadrement de l’exploration minière, en assujettissant tous les travaux d’exploration minière à des consultations et des évaluations environnementales préalables. « Une chose est sûre : les minéraux critiques et stratégiques n’ont rien de vert. Au lieu de chercher à « alléger le fardeau administratif », le gouvernement devrait renforcer la surveillance des activités minières et sanctionner les contrevenants », de conclure Rodrigue Turgeon, avocat, coresponsable du programme national de MiningWatch Canada et co-porte-parole de la Coalition Québec Meilleure mine.