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09 novembre 2017

Élise Brouillette - ebrouillette@medialo.ca

Dialoguer avec l’horreur de la guerre

« 5 balles dans la tête » de Roxanne Bouchard

©(Photo gracieuseté - Forces armées canadiennes)

RÉCITS. L'auteure lanaudoise Roxanne Bouchard vient de publier son septième ouvrage, 5 balles dans la tête, qui nous plonge dans les souvenirs de militaires d'ici qui ont fait partie de la rotation de l'été 2009 à Kandahar en Afghanistan. Un livre qui se veut aussi un point de départ pour amorcer un vrai dialogue entre civils et soldats.

Roxanne Bouchard, qui est enseignante en littérature  à Joliette, a fait parler d'elle avec En terrain miné, qui présentait sa correspondance avec le militaire canadien Patrick Kègle en temps de guerre.

Elle présente aujourd'hui une cinquantaine de récits de guerre, entendus de la bouche même d'une trentaine de militaires, de différents corps de métier de l'armée canadienne.

C'est dans le cadre d'une conférence sur la communication à la base de Bagotville que Roxanne Bouchard s'est fait interpeller par des militaires, qui lui ont affirmé que leurs histoires n'intéressent personne.

La romancière se met à s'interroger,  à se demander s’il était effectivement possible que les civils refusent d'écouter les militaires. « Est-ce qu'établir un contact avec les soldats pouvait dépendre non pas d'eux, mais de nous? De moi? », écrit-elle. Elle décide donc de relancer un fantassin, qui l'avait invitée à venir les rencontrer lui et une partie de son unité, à la suite du lancement de son livre En terrain miné.

Les militaires se sont livrés avec une honnêteté désarmante. Les Forces armées ont ouvert grandes leurs portes à Roxanne Bouchard, l'invitant même à vivre des entraînements sur le terrain : « J'ai eu le privilège de la parole dans une zone de silence », raconte-t-elle en entrevue avec l'Action.

« En aucun temps, ils ne m'ont vue comme une journaliste, ma démarche en était une de romancière. Ça m'a aidée. Je suis aussi quelqu'un qui écrit "sur" l'armée, mais je ne prends pas position. Ce n'est pas ça le propos. Les gens se feront leur propre opinion. Ce n'est pas "ma game". Je ne veux pas être catégorisée comme l'écrivaine de l'armée et je ne pensais pas à nouveau écrire sur l'armée. Mais je suis allée les rencontrer et j'y ai vu un intérêt de romancière », confie-t-elle.

Devoir de fraternité

Les rencontres se sont échelonnées sur un an. Par la suite, s'en est suivie une année et demie d'intermède. « Je me suis aperçue que je pensais juste à ça, leurs cauchemars hantaient mes nuits. J'ai donc pris une pause. »

Une année durant laquelle elle a pris le temps de réfléchir, de tout remettre en question, et où elle a découvert la raison d'être de sa démarche. « Les militaires ont vu des choses horribles, la souffrance de l'humanité. Ils portent en eux une histoire. Comme disait Albert Camus, l'écrivain a aussi un devoir de fraternité. Je devais témoigner de leur mémoire pour qu'elle ne se perde pas. »

« Ils ont eu un courage incroyable de se livrer, ils m'ont fait une grande confiance et ont fait preuve de beaucoup d'abandon. »

À quelques exceptions près, l'auteure a rencontré les militaires en petit groupe et elle devenait, ainsi, témoin de leurs discussions. « Je voulais des dialogues, du rythme. Je n'avais pas de liste de questions, ils me disaient ce qu'ils avaient envie et ils racontaient les anecdotes qu'ils voulaient se raconter. Je les rencontrais chez eux, sur leur terrain. Je voulais donner au lecteur le « feeling » de s'asseoir avec eux. »

Roxanne souligne que les soldats qui ont vécu la guerre portent ces blessures au quotidien, alors qu'en parallèle, ils sont confrontés à toutes sortes de choses qui doivent leur paraître bien futiles. « Il y a un tel décalage. Ils n'en parlent pas, mais quel espace ont-ils pour le faire? »

Ouvrir la communication

L'auteure mentionne que la seule volonté qu'elle a, avec ce livre, en est une de communication. « Presque tout le monde a un militaire dans sa famille, dans son voisinage ou dans ses connaissances…je souhaite qu'il y ait une volonté, une possibilité de parler avec les civils. On est comme deux clans qui ne se parlent pas, mais on n'a pas de raison de ne pas le faire.»

La publication de 5 balles dans la tête aura transformé son rapport à l'écriture et à la guerre. « Je suis plus éveillée, plus alerte et conscientisée. Quand je vois des avis de nécrologie de militaires, je sais qu'ils se sont suicidés…»

Roxanne espérait qu'en lisant le livre, les militaires rencontrés allaient se reconnaître et se sentir respectés. Ils lui ont tous dit merci.

Parmi ses projets futurs, il y a celui d'adapter 5 balles dans la tête pour la scène. Et aussi, de reprendre son personnage du roman Nous étions le sel de la mer pour une nouvelle intrigue.

Et aurait-elle encore le goût d'écrire sur l'armée? « Je ne sais pas, mais si j'avais un autre projet aussi stimulant, intriguant et particulier, est-ce que je dirais non? », se demande-t-elle en conclusion.

Jour du Souvenir

L'Action a rencontré Roxanne Bouchard à quelques jours du 11 novembre, Jour du Souvenir. « Ce sont leurs blessures, mais on peut se souvenir de ceux qui sont décédés et de ceux qui ont pris part à la guerre. Mon livre, c'est justement pour garder cette mémoire. Pour me souvenir avec eux….»

©(Photo gracieuseté - Forces armées canadiennes)

Roxanne Bouchard, écrivaine, se documente sur la vie des soldat pour son nouveau livre, durant l’exercice Rafale Blanche 2014 le vendredi 31 janvier 2014 avec les membres du 5e Régiment de génie de combat à l’aéroport du Lac Etchemin.

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