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28 février 2024

Jason Joly - jjoly@medialo.ca

Affronter les mots pour retrouver sa confiance en soi

Analphabétisme

Nicolas Leblanc

©Photo gracieuseté - Justin Faugère - L'Action

Nicolas Leblanc, de Saint-Charles-Borromée, a participé à l’émission L’épreuve des mots.

Alors qu’il fréquentait depuis quelques années le Centre d’alphabétisation populaire de la Matawinie Est (CAPME), le Charlois Nicolas Leblanc a été approché pour participer à l’émission L’épreuve des mots, présentée sur les ondes de Télé-Québec. Grâce à celle-ci, il a pu « sortir du garde-robe » et mettre en lumière les différentes réalités entourant les personnes analphabètes et les difficultés auxquelles elles font face au quotidien.

L’école n’a jamais été un sujet facile pour M. Leblanc qui a dû arrêter d’y aller à un très jeune âge. En effet, à 7 ans, une grave blessure à la tête l’a obligé à rester alité pendant une bonne partie de son enfance. « Je suis sorti de l’hôpital à 14 ans », révèle-t-il. Malgré un retard dans ses études, Nicolas Leblanc a réussi à entrer sur le marché du travail. Toutefois, son analphabétisme lui posait quelques problèmes dans certaines situations, ce qui a mis la puce à l’oreille de son petit-fils, Nicolas Turcotte. Ce dernier raconte avoir eu des doutes lorsque son grand-père insistait pour qu’il écrive des titres de chansons qu’il lui faisait écouter. « C’est là que j’ai vu qu’il avait de la difficulté à lire et qu’écrire sa chanson sur YouTube était tout un enjeu », se rappelle M. Turcotte.

Le Charlois a donc été encouragé par son petit-fils à suivre des ateliers de lecture et d’écriture. « Pour avoir la sainte paix, j’ai dit que je retournerais à l’école. Et moi, quand je dis quelque chose, je tiens mes promesses », assure M. Leblanc, qui, selon ses aveux, n’était pas emballé au départ. Ainsi, il a tenté de contacter deux premiers centres d’alphabétisation dans la région qui, à son grand « bonheur », n’ont pas répondu à ses appels. Sa dernière tentative, soit de contacter le CAPME à Saint-Félix-de-Valois, a porté fruit. La directrice du centre, Marie-Josée Pepin, se souvient de l’hésitation de Nicolas Leblanc à l’idée de simplement entrer dans l’établissement. « Ça faisait plusieurs fois qu’il stationnait sa voiture, qu’il partait et qu’il revenait. Quand il est entré, je l’ai félicité d’avoir osé franchir la porte », dit-elle en ajoutant que c’était une grande preuve de courage de la part de l’homme de 66 ans. L’expérience a été une vraie révélation pour ce dernier : « Au départ, je me suis dit : je vais entrer et je pourrai ensuite dire à mon petit-fils que j’y suis allé, mais que ça n’a pas marché. Finalement, j’ai été bien reçu. Chaque fois que j’y allais, je me disais que c’était la dernière, mais j’y ai pris goût. »

Une émission pour éliminer les tabous de l’analphabétisme

Grâce à son travail et à sa persévérance, les apprentissages de Nicolas Leblanc allaient bon train. Son petit-fils était même impressionné par la vitesse à laquelle le sexagénaire apprenait : « Si mon grand-père avait eu la chance d’aller à l’école, il serait ingénieur! Il est brillant et il apprend vite. » Lorsqu’il a été contacté pour faire partie de L’épreuve des mots, le Charlois a accepté d’y participer à condition que Nicolas Turcotte l’accompagne tout au long de cette aventure. « Il voulait qu’on vive l’expérience ensemble, mais, vers la fin, il le faisait vraiment pour lui. C’est incroyable comment l’émission a augmenté sa confiance en lui », constate M. Turcotte.

Nicolas Leblanc et Nicolas Turcotte

©Photo gracieuseté - L'Action

Nicolas Leblanc et son petit-fils, Nicolas Turcotte, ont vécu l’expérience de l’émission ensemble.

Lors des épisodes, les participants devaient acquérir différents apprentissages dans le but de les mettre en œuvre au cours d’une activité. Par exemple, ils ont dû suivre des directives afin de se rendre d’un point de Brossard à un autre sans l’aide de leur téléphone portable. Un autre défi était de préparer une recette avec des aliments qu’ils ont dû acheter eux-mêmes. L’horaire du participant était donc grandement occupé pour se préparer à l’émission. Au cours de celle-ci, il a travaillé avec son mentor, soit la formatrice du CAPME Virginie Le Galès. L’équipe recevait des directives sur les notions et les devoirs que le participant allait faire en vue des activités qui étaient tournées au cours de la fin de semaine. « D'un tournage à l'autre, nous nous penchions sur les différentes épreuves. Par exemple, pour celle du transport en commun, nous avons travaillé sur comment étudier une carte ou trouver un trajet », résume Mme Le Galès. Selon cette dernière, le premier défi de Nicolas Leblanc a été de lui faire comprendre qu’il avait déjà des acquis. « Il fallait aller chercher la confiance en lui et lui montrer qu’il était capable. Nous l’avons vu à travers le processus, notamment pour sa lecture qui s’est nettement améliorée. » M. Leblanc avoue que le tournage n’a pas toujours été facile puisqu’il a dû, à plusieurs occasions, se mettre à nu, mais que cette expérience lui a aussi beaucoup apporté : « Mon objectif était de sortir du garde-robe et de dire de ne pas avoir honte de ne pas savoir lire et écrire ».

Témoigner de l’importance de l’école

Avec cette expérience, Nicolas Leblanc observe d’importantes améliorations dans sa lecture et son écriture. L’équipe du CAPME a d’ailleurs organisé une séance pour visionner le premier épisode à sa sortie. Quelques proches du Charlois et lui-même, ainsi que des visiteurs du centre d’alphabétisation, se sont rassemblés pour cette soirée forte en émotions. « Mon grand-père s’est replongé dans beaucoup de sentiments, mais ça lui permet de libérer un poids qu’il a sur le cœur. C’était un beau moment. C’est dur sur le coup pour lui, mais ça lui fait du bien à long terme », reconnait Nicolas Turcotte.

La directrice du centre de Saint-Félix-de-Valois se rappelle la fierté qu’avait le participant en écoutant l’épisode. « Il a rencontré tellement d’embuches et a perdu foi en énormément de gens. Nous nous trouvons choyés parce qu’il nous a fait confiance », confie Marie-Josée Pepin. Ce visionnement a d’ailleurs convaincu certaines personnes présentes de témoigner de leurs propres difficultés et des ressemblances qu’elles remarquent entre leur situation et celle des participants. « L’émission permet de parler de l’analphabétisme sans en avoir honte parce que les personnes n’osent pas », indique Virginie Le Galès. Le CAPME espère donc que l’émission viendra briser les tabous et en convaincra plusieurs de venir cogner aux portes des organismes d’alphabétisation.

Grâce à ses nouveaux apprentissages et à la confiance que lui a apporté sa participation à L’épreuve des mots, Nicolas Leblanc se sent prêt à relever son nouveau défi : présenter des conférences dans différents établissements scolaires et raconter son histoire. « Je veux dire aux élèves, et surtout ceux qui pourraient être des décrocheurs, que l’école, c’est vraiment important », affirme-t-il.

De plus, M. Leblanc souhaite envoyer comme message aux personnes analphabètes ou qui ont des difficultés d’écriture et de lecture de ne pas hésiter à aller chercher du soutien auprès d’un centre d’alphabétisation. « Allez chercher de l’aide et quand vous en sortirez, vous allez vous sentir deux fois plus fort! »

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