05 avril 2022

Mélissa Blouin - mblouin@medialo.ca

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©(Photo gracieuseté- Johanne Saulnier)

Emmanuel Beauregard a comme projet d’identifier le plus de pommiers sauvages ou ancestraux dans Lanaudière.

«Mon souhait est d’étudier ces spécimens ainsi que leurs fruits et d’essayer d’identifier ces derniers à l’aide de spécialistes. Peut-être arrivera-t-on à reconnaître d’anciennes variétés tombées dans l’oubli depuis des décennies et que je pourrai ensuite les reproduire », a commenté le résident de Sainte-Mélanie en entrevue avec L’Action.  

Il a ajouté que les pommiers sauvages sont nombreux dans les rangs de campagne. Il aimerait donc découvrir de nouvelles sortes de pommes, puisque chaque arbre qui pousse à partir d’un pépin tombé produit une variété de fruits unique. Il a déjà parcouru plusieurs municipalités à la recherche de pommiers sauvages ou ancestraux et c’est à Sainte-Mélanie, Saint-Ambroise-de-Kildare, Sainte-Marcelline, Saint-Jean-de-Matha et Saint-Gabriel-de-Brandon qu’il a réussi à en identifier le plus.  

«Je les géolocalise, je prends des notes sur leurs fruits et intègre des photos. Il s'agit d'un symbole d'un patrimoine arboricole fruitier dont trop peu de gens se préoccupent. » 

Un ancien verger à Saint-Ambroise

C’est en effectuant des recherches généalogiques sur son ancêtre Benoni Beauregard de Saint-Ambroise-de-Kildare, qui habitait un terrain près de l’église, qu’un nouveau rêve est né dans la tête d’Emmanuel Beauregard. Celui de dénicher de vieux vergers à l'abandon, ou des traces de ceux-ci, dans Lanaudière. 

« Pendant mes recherches, je suis tombé sur le livret "La mémoire des rangs" qui documente le patrimoine bâti du village et qui révèle la présence historique d'un verger à proximité du cimetière de Saint-Ambroise, derrière l'ancien couvent des Sœurs de Sainte-Anne qui a été démoli en 1970. »  

Il s’est aussitôt rendu sur place, sur l’avenue Sicard, et a découvert avec stupéfaction et enthousiasme une quinzaine de grands pommiers. Les plus imposants atteignent une hauteur de plus de six mètres. « Quels soins ont-ils reçus au cours des 50 dernières années?  Visiblement bien peu! »  

Comme il s’agit d’un terrain qui appartient à la Fabrique, M. Beauregard est entré en contact avec le curé de la paroisse, Nicolas Tremblay. Ce dernier s’est montré intéressé aux recherches du passionné et ensemble, ils sont allés voir les pommiers. M. Tremblay lui a ensuite donné l’autorisation de se rendre sur le terrain pour s’occuper des arbres.  

©(Photo gracieuseté)

Un verger laissé à l’abandon a été découvert près du cimetière de Saint-Ambroise-de-Kildare.

Le 25 septembre dernier, une corvée a d’ailleurs été organisée. Une quinzaine de citoyens se sont présentés lors de celle-ci afin de dégager le terrain, de ramasser des déchets et du bois mort et d'y effectuer un premier débroussaillage. Équipés de sacs à ordures, de sécateurs et de scies, ils ont entrepris de dégager les pommiers ancestraux. « Les arbres fruitiers abandonnés ont commencé à retrouver la lumière qu'ils méritent! » 

M. Beauregard a ensuite été invité, en janvier dernier, à la rencontre du conseil de la Fabrique et a pu partager avec les membres sa vision et ses projets concernant ce terrain. Puis, le 20 mars, il a demandé au conseil l’autorisation de prélever des scions des pommiers. Une demande qui a été acceptée.  

©(Photo gracieuseté)

Processus de reproduction 

Le 27 mars dernier, il s’est donc rendu sur le terrain de l’avenue Sicard avec son sécateur, son échelle et de grands sacs Ziplocs. « Je suis allé prélever des dizaines de pousses de l'année que je conserverai en conditions humides au frigo pour quelques semaines. » En avril, il pourra greffer ces scions sur des porte-greffes en vue d’en reproduire fidèlement la variété. 

Dans le cadre de ses recherches sur les types de fruits que produisent ces vieux pommiers, M. Beauregard a notamment contacté le Groupe de recherche appliquée en macroécologie (GRAME) et a été mis en contact avec une chercheuse de l'Institut de Recherche en Biologie Végétale. 

Il a également travaillé en collaboration avec l’ancien inspecteur municipal de Saint-Ambroise (1980-2017), Reynald McManiman, afin d’en savoir plus sur ce verger laissé à l’abandon. « C’est quand même fou de penser qu’il y a une centaine d’années, mes ancêtres ont probablement goûté aux fruits de ces arbres », a constaté M. Beauregard.  

Au printemps, il aimerait effectuer des travaux de taille en présence d'arboriculteurs-élagueurs professionnels et voudrait aussi inviter tous les membres du conseil de la Fabrique à visiter le terrain et les pommiers.  

Déjà, ses démarches ont suscité beaucoup d’intérêt de la part des citoyens et de groupes à teneur agricole basés dans d'autres régions du Québec. Il a également donné envie à plusieurs de s’intéresser aux vieux Malus de leur coin et d'essayer d'en identifier les variétés.  «Je travaille à devenir une référence en la matière dans la région. » 

Un avenir incertain 

L’avenir du terrain de l’avenue Sicard, sur lequel se trouvent les pommiers, est pour le moment incertain. Des citoyens aimeraient qu’il soit transformé en parc, que des sentiers reliés à ceux déjà existants soient aménagés et que des panneaux d’interprétation sur l’ancien couvent soient ajoutés. Toutefois, comme l’avenue Sicard est en plein développement, le terrain pourrait être vendu à des fins résidentielles.  

«C’est un terrain riche de sa biodiversité et de son patrimoine agroalimentaire. Il contient les pommiers, mais aussi des noyers noirs, des talles de groseilliers et des pruniers sauvages. Ça me fait mal au cœur de penser qu’on pourrait les abattre», a déploré l’amoureux des pommiers. Ce dernier veut d’ailleurs former un comité citoyen concernant l’avenir du terrain.  

Les citoyens intéressés par les démarches d’Emmanuel Beauregard peuvent visiter sa page Facebook Ministère des Friches et des Pommeraies.

Une passion qui remonte à loin 

Emmanuel Beauregard a grandi sur une ferme à Sainte-Mélanie sur laquelle se trouve quatre vieux pommiers de plus de 100 ans. Il a donc évolué aux côtés de ceux-ci et c’est grâce à eux que son intérêt pour les vergers est né. Il a ensuite été cueilleur de pommes et a étudié en gestion d’entreprises agricoles dans un profil spécialisé en productions maraichères et fruitières biologiques. Au printemps 2021, il a contacté tous les vergers de la région dans l’objectif d’établir un portrait de la pomiculture lanaudoise. Il est même aller travailler chez Qui sème récolte dans le but d’apprendre des techniques de taille de pommiers. Aujourd’hui âgé de 36 ans, Emmanuel Beauregard vient d’être embauché par le Conseil de développement bioalimentaire de Lanaudière (CDBL) comme coordonnateur d'un projet de soutien au développement et à la commercialisation des produits forestiers non ligneux (PFNL) dans la région.