Déceler la détresse une ferme à la fois

La mission d’une travailleuse de rang

Laurence Charbonneau a entamé son métier de travailleuse de rang dans les Laurentides en 2018. Depuis, elle fait du porte à porte sur les fermes et va à la rencontre des producteurs. « Ils sont rares ceux qui me disent que tout va bien et que je peux partir. Je me rends compte qu’il y a vraiment plusieurs problématiques et à différents niveaux. Les gens ont besoin d’être écoutés et de jaser. »

Elle concède que la démarche est un peu intrusive, « je débarque sur la terre et je dois trouver le propriétaire. Je me nomme, je donne mon dépliant en disant que je fais de la prévention pour la détresse psychologique, peu importe les problématiques, que le service est gratuit, confidentiel et accessible. »

Toutefois, la travailleuse sociale de formation a confié à L’Action être très bien reçue par les producteurs et qu’ils s’ouvrent très facilement. Parfois, des rencontres ultérieures se planifient tout de suite, mais dans le quart des cas, Mme Charbonneau recontacte elle-même les gens chez qui elle a ressenti un certain besoin.

Pour elle, qui a grandi sur une ferme laitière dans les Hautes-Laurentides, il est plus facile de créer un lien avec les gens. « C’est un plus de provenir de ce milieu, je connais la réalité, les défis et les enjeux des producteurs. »

Cette dernière travaille pour Écoute agricole des Laurentides où elle a commencé comme assistante en 2018, puis comme travailleuse de rang à temps plein depuis le mois d’avril. Grâce à cet organisme, 84 personnes ont été aidées par une travailleuse de rang d’avril 2018 à mars 2019 et plus de 448 interventions ont été effectuées avec celles-ci.

Bien que 65 % de ces interventions ont été réalisées par téléphone, texto ou Facebook, au moins 97 rencontres ont été faites dans le milieu de vie des personnes, principalement sur la ferme. Sur les 84 bénéficiaires, 58 % sont des hommes.

« C’est ce qui est particulier avec le milieu agricole, ce sont majoritairement des hommes qui sont toujours dans leur entreprise, 24 heures sur 24, et qui ne sont pas portés à aller chercher de l’aide lorsqu’ils en ont besoin», a ajouté Mme Charbonneau.

Les motifs qui ont été évoqués par le plus de personnes lors des interventions sont des problèmes financiers reliés à l’entreprise (26 personnes), des problématiques de santé psychologique (23 personnes) et des conflits avec des membres de la famille ou entre associés (22 personnes). Aussi, 5 personnes ayant des idées suicidaires ont été aidées, ainsi que 8 personnes dont il s’agissait d’un proche.

Ce n’est pas le rôle d’Écoute agricole des Laurentides de donner des services spécialisés. C’est pourquoi, selon les besoins, les bénéficiaires sont dirigés vers des ressources externes. Toutefois, Mme Charbonneau est déjà à même de voir une grande différence après ses interventions.

« Même si je n’ai pas la solution, les gens semblent déjà soulagés d’avoir parlé. J’ai fait des suivis avec des personnes qui n’allaient vraiment pas bien et déjà après deux rencontres je pouvais voir que le risque suicidaire avait diminué. Des gens me disent que c’est un simple coup de fil qui a fait énormément de bien et que si je ne leur avais pas téléphoné ils ne seraient jamais allés consulter par eux-mêmes. »

Elle ajoute que même ceux qui semblent plus réticents au départ finissent par s’ouvrir. « Un agriculteur sur deux a un stress considéré comme relativement très élevé. Je crois que toutes les MRC devraient avoir ce service et la seule raison pourquoi je suis encore capable de subvenir à la demande seule c’est parce que le service n’est pas encore tellement connu. »

La Fédération de l’UPA de Lanaudière a organisé une soirée dînatoire afin de souligner son 90e anniversaire en plus d’amasser des fonds pour l’embauche d’un travailleur de rang.

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