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20 avril 2017

Toute une vie sans savoir qu'il est dysphasique

Il reçoit un diagnostic à 57 ans

©Photo TC Media - Caroline Morneau

TÉMOIGNAGE. Depuis qu'il est tout petit, Daniel Lacaille peine à s'orienter dans le temps et à s'organiser. Il éprouve des difficultés sur le plan de la mémoire et du langage, mais il s'est toujours débrouillé pour se frayer un chemin dans la société. Jusqu'à l'âge de 57 ans, il a su développer plusieurs trucs pour s'aider, sans savoir qu'il était dysphasique.

« Je pense que ma force, c'est mon caractère. Je me suis toujours arrangé par moi-même », résume celui qui s'implique activement, depuis quelques années, auprès de l'organisme Dysphasie Lanaudière, à Joliette. Il y reçoit des services, en plus de participer à l'organisation d'activités de groupe.

« La gang ici, c'est comme mes enfants », sourit-il.

Daniel se souvient avoir changé d'école quatre fois, lorsqu'il était enfant, car le modèle académique ne lui convenait pas. Entre 16 et 25 ans, il a décroché près d'une trentaine d'emplois différents. Chauffeur de camion, facteur, soudeur, alouette. Il en a fait du chemin, mais son parcours n'a pas été sans embûche.

« J'avais beaucoup de difficulté à garder les jobs que je me trouvais. Quand j'étais facteur, je me perdais, car j'avais de la misère à me souvenir des rues. Quand j'ai travaillé en soudure, c'était compliqué aussi, parce que ça demandait de la concentration. M'organiser dans mes tâches, c'était un défi pour moi. Ce l'est encore », explique-t-il.

L'homme de 60 ans a toujours su qu'il était différent, mais il n'a jamais considéré sa condition comme un obstacle. Plutôt solitaire, il n'a jamais eu beaucoup d'amis.

« On dirait que j'étais bien comme ça. Avec du recul, je pense que ma mère était dysphasique elle aussi. Je savais que j'avais quelque chose, mais quand je me comparais à mes modèles, comme ma mère, je me disais qu'il n'y avait pas de problème, alors je ne me posais pas trop de questions. »

Pour s'aider au quotidien, Daniel note tout. Il se prépare mentalement à toutes les situations et il se fait des plans.

« Regarde! », lance-t-il en sortant un bout de papier de sa poche. « Ça, c'est mon horaire de travail. Même si je commence toujours à la même heure, j'ai besoin de l'avoir sur moi tout le temps, sinon j'oublie. »

 « C'est typique des personnes dysphasiques », témoigne à son tour Anne Barbusci, agente de soutien à l'intégration socioprofessionnelle à Dysphasie Lanaudière. « Elles développent beaucoup de mécanismes de défense pour cacher leurs limites. Même si tout est plus difficile au quotidien, ce sont des gens qui font preuve d'énormément de débrouillardise. »

Un diagnostic qui soulage

La dysphasie est un trouble neurologique du langage généralement associé aux enfants. Chez les adultes, elle s'articule de plusieurs façons, notamment sur le plan de la compréhension, de l'organisation et de la communication.

Daniel Lacaille a reçu un diagnostic officiel de dysphasie sévère, il y a de cela trois ans. Un tournant important dans sa vie.

« Je ne savais même pas ce que c'était, la dysphasie, avant. J'ai eu un déclic sur ce que j'avais en regardant une émission de télévision avec Lucie (sa conjointe). Le petit gars faisait un témoignage et disait qu'il était dysphasique. Lucie m'a dit, "regarde ça, Daniel, je pense que c'est ça que tu as". »

©Photo TC Media - Caroline Morneau

Daniel est ici accompagné d'Anne Barbusci, agente de soutien à l'intégration socioprofessionnelle à Dysphasie Lanaudière.

Depuis qu'il connaît la nature de sa condition, Daniel a beaucoup gagné en assurance. Son élocution s'est améliorée et il s'est trouvé un nouveau métier. Il a été placé à l'entretien ménager auprès d'une entreprise adaptée. Son équipe de travail est composée de personnes sourdes et muettes.

« J'ai travaillé dans la même usine alimentaire durant 30 ans. C'est le seul emploi que j'ai pu garder longtemps, parce que c'était plus routinier, mais l'entreprise a fermé. À mon âge, je savais que ce serait difficile de me trouver autre chose. Je suis passé par un gros moment de déprime, puis j'ai commencé à venir aux ateliers à Dysphasie Lanaudière, et ça m'a beaucoup aidé. Je me suis replacé ailleurs. »

Dysphasie Lanaudière compte environ 70 membres adultes de 18 ans et plus, dont trois ont plus de 55 ans. Daniel fait partie du lot.

« Je dirais que depuis qu'il met des mots sur ce qu'il a, il peut bénéficier d'un meilleur accompagnement, et c'est ça qui l'aide à s'améliorer. Nos ateliers permettent aussi à nos membres de briser l'isolement et de développer des habiletés sociales », indique Mme Barbusci.

Elle ajoute qu'il existe peu de statistiques quant au nombre de personnes adultes qui présentent un trouble du langage, puisque plusieurs, sans doute, ne recevront jamais de diagnostic.

« Il existe encore trop peu de ressources pour les adultes. J'espère que ça se développera davantage avec le temps. »

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